RENOUVEAU DES MODÈLES DE DÉVELOPPEMENT ECONOMIQUE : VERS DES MÉTROPOLES COOPÉRATIVES ?
La métropolisation peut être considérée comme la traduction territoriale d’une économie mondialisée, de plus en plus interconnectée et de moins en moins régulée par les acteurs publics. Champ libre serait ainsi laissé à de grands opérateurs économiques et industriels qui joueraient de ces dérégulations.
Il en résulterait des processus de délocalisation, une mise en concurrence des territoires et des divers facteurs de production (capital, travail) mais également une tendance à la spécialisation des villes et des territoires et cela tout aussi bien aux échelles locales que globales.
À une échelle globale, cette métropolisation « par le haut » prend notamment forme autour de relations exclusives entre les principales têtes de pont des systèmes urbains. Mais dans cette division internationale du travail, de nombreux pays longtemps considérés comme « émergents » sont progressivement devenus les « ateliers du monde » et des villes dites « globales » ont alors développé des fonctions de coordination / commandement des activités économiques.
À une échelle plus locale, ce processus se traduit par une tendance à la concentration des emplois des fonctions dites métropolitaines au sein d’entités urbaines dont les trajectoires se découplent, pour partie, de leurs relations avec leurs aires d’influence de proximité. Une autre incidence est alors celle de l’avènement d’une métropolisation « par le bas » assurant le déploiement de toute une série d’activités « supports » de l’économie à la flexibilité accrue et permettant aux économies métropolitaines de se développer (ex : services aux entreprises dans le domaine de l’informatique, de la logistique etc.). Si les interdépendances entre ces mondes économiques sont inscrites dans le fonctionnement quotidien des territoires, bon nombre de pans des économies métropolitaines se perçoivent de plus en plus comme autonomes.
Les effets sont alors multiples et prennent forme à différentes échelles. On peut notamment noter que les activités productives, fragilisées, se répartissent davantage, en France, dans les territoires de l’entre-deux (les villes petites et moyennes mais pas que), et dans les territoires à dominante rurale pour l’agriculture et certaines activités agro- alimentaires qui y sont pour partie liées. Ces rapides (et imparfaites) considérations naissent de flux d’échanges (matériels, énergétiques, humains, financiers, etc.) incessants entre ces espaces. Révéler, donner à voir, comprendre et prendre en compte ces liens et ces interdépendances socio-économiques semble donc primordial. Mais plus que d’interdépendances, des chocs externes (dont la récente crise de la COVID-19) ont montré les fragilités inhérentes à cette faible prise en compte de ces relations de dépendance dans l’appréhension des politiques d’aménagement et de développement économique des territoires métropolitains. La dépendance des villes aux productions agricoles est revenue dans les consciences et, était-ce une coïncidence, passagère ou durable, les circuits courts se sont développés. En contrepartie, les services rendus par les Métropoles ont principalement résidé dans la coordination et la mobilisation des fonctions hospitalières. Sur ce dernier plan, le maillage territorial est apparu essentiel pour « équilibrer » la gestion de la crise.
S'il s'agit d'inventer des modèles économiques et territoriaux plus résilients, c’est-à-dire en capacité d’absorber et de résister à des chocs externes mais également internes, peut-on et doit-on imaginer, considérer voire structurer, une échelle locale de la métropolisation qui ferait le pari d’animer des interdépendances de proximité (spatiale et sociale) ? La résilience appelle-t-elle à retrouver localement, entre et au sein des espaces précités, des degrés d’autonomie supplémentaires pensés à partir des échelles spatiales des liens et des relations qui font (et défont) les espaces métropolitains ? L’objectif serait-il alors, non pas de cultiver le repli de chacun sur soi, mais de parvenir à assurer un accès minimum aux biens et services essentiels en cas de crise et qu’un maillon affaibli ne génère pas la rupture de la chaîne d’ensemble, un autre pouvant alors s’y substituer ?
Comment identifier et donner consistance à des systèmes territoriaux, articulant les Métropoles et les « autres » (territoires périurbains, espaces ruraux, villes petites et moyennes etc.), formant comme les cellules fonctionnelles élémentaires de l’activité économique ? Quelles seraient les modèles de relations à envisager? Dans une approche inter-systèmes articulant les contextes national, européen et mondial, quelles seraient les échelles spatiales de l’action économique à prendre en considération pour esquisser cette relative autonomie ? Quels seraient les liens à construire? Comment faire émerger une « gestion des biens communs économiques » à l’échelle de systèmes territoriaux ? Comment saisir la diversité et la vulnérabilité de l’activité économique locale pour mieux renforcer la résilience ? Peut-on assumer la spécialisation des différentes composantes du système territorial, au-delà de la recherche d'égalité entre chaque composante du système territorial? A contrario, les modèles économiques métropolitains construits sur une spécialisation économique dominante sont-ils porteurs des fragilités économiques de demain ? Comment penser la gouvernance conjointe public / privé pour construire des territoires économiquement résilients ? En quoi le télétravail, ou un autre rapport au travail, est-il susceptible de redistribuer les cartes ? L’approche coopérative emporte-t-elle par elle-même une approche moins prédatrice/extractrice des ressources locales, et plus activatrice/régénératrice de ressources, écologiques, sociales, culturelles, démocratiques ? À quelles conditions ?
Cette résurgence du local à l'heure de la métropolisation est-elle univoque ? Quelles pourraient être les autres approches et formes de métropoles coopératives ?